Focus

Une vraie révolution pour les études de santé

Le diagnostic est à la mesure de l’état du patient : jugées inadaptées aux évolutions démographiques et sociales et d’un fonctionnement dépassé, les études de santé vont être totalement refondues à l’horizon 2020. Cela passe notamment par la suppression du controversé numerus clausus. Le point avec Jean Sibilia, président de la Conférence des doyens des facultés de médecine et doyen de celle de Strasbourg.

Le bruit courait depuis quelques jours. L’annonce est tombée mardi 18 septembre, par la voix du président de la République. Les études de santé vont être rénovées et le numerus clausus sera supprimé. Une transformation de taille, qui s’inscrit dans le cadre du plan gouvernemental « Ma santé 2022, un engagement collectif », et dans la continuité de la loi Orientation et réussite des étudiants (ORE).

Une bonne nouvelle pour les conférences des doyens de médecine, pharmacie et chirurgie-dentaire – présidées pour deux d’entre elles par des Strasbourgeois1. Dans un communiqué commun avec la Conférence des présidents d’université (CPU), ils se félicitent de « cette réforme audacieuse ».

Concrètement, outre la disparition du numerus clausus, la Première année commune aux études de santé (Paces), instaurée en 2009, sera aussi abandonnée. De même que les épreuves classantes nationales, ouvrant l’entrée en 3e cycle à l’issue de la 6e année.

Numerus clausus et Paces « intenables »

Le constat est formel. Le système du numerus clausus est devenu « intenable, car à l'origine de trop d'échec et de déception », selon Jean Sibilia (lire encadré). « Certains étudiants avaient trouvé la parade pour contourner la Paces en partant se former à l’étranger, avant de revenir exercer en France. » Inacceptable aussi, ce chiffre de « 40 % de réussite sur deux ans, alors qu’on a affaire à des bacheliers de grande qualité ».

Face à ces écueils, plusieurs réponses : décloisonner les études de santé, en ouvrant des passerelles depuis d’autres disciplines (biologie, mais aussi sciences humaines et sociales, droit…), afin de diversifier les profils, favoriser la diversité des choix, mais aussi le bien-être étudiant.

Déjà en hausse ces dernières années (avec un numerus clausus qui a doublé en dix ans), le nombre de médecins est une variable-clé de l’équation. « J’estime globalement le besoin à 20 % supplémentaires en cinq ans », précise le doyen.

Effort d’investissement

Reste que ces objectifs ne pourront être atteints « sans effort d’investissement de l’État, quand on sait que la formation de chaque étudiant représente 140 000 € environ pour l'ensemble de son cursus. » Tout l’enjeu sera de sortir de la Paces sans recréer un nouvel entonnoir de type numerus clausus, et cela en optimisant la qualité de la formation, « qui doit profondément reposer sur des valeurs humanistes ».
Attention, pas question de chambouler du sol au plafond les études de santé, avertit Jean Sibilia : « Celles-ci resteront sélectives et organisées en trois cycles ! Mais il faut introduire une meilleure cohérence globale ».

Cette réforme est impossible à déconnecter d’autres enjeux importants, comme la lutte contre la désertification médicale, « au moyen de mesures incitatives. L’enjeu est de mettre le système au service des patients et de nos concitoyens ».
Plus qu’une feuille de route, c’est une véritable liste de remèdes, sur une ordonnance bien remplie. Devant l’ampleur de la tâche, « il va falloir se retrousser les manches, maintenant que s’ouvre la phase de négociation des modalités concrètes de la réforme, avertit Jean Sibilia. 2020, c’est ambitieux pour une telle tâche ». Le traitement de choc ne fait que commencer…

Elsa Collobert

1Jean Sibilia pour la Conférence des doyens des facultés de médecine, Corinne Taddéi-Gross pour la Conférence des doyens des facultés d’odontologie

Bon à savoir

Vous avez dit « numerus clausus » ?

« Nombre fermé », en latin. « Dans le domaine de la santé, le numerus clausus désigne un nombre fixe d'étudiants admis dans certains cursus chaque année, principalement dans les professions de santé qui sont réglementées », explique l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Ce système a été « instauré en 1974, à une époque où la population était bien inférieure en nombre et les pathologies complètement différentes d’aujourd’hui », complète Jean Sibilia.

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